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Posts Tagged ‘Révolution française’

1789, Les Amants de la Bastille, pour ceux qui ne connaissent pas encore, est un projet de comédie musicale produit par Dove Attia et Albert Cohen (un autre). Dove Attia, que vous avez peut-être eu la joie de croiser en zappant sur A la Recherche de la Nouvelle Star, a commis toutes les grosses productions musicales à sujet plus ou moins historique de ces dernières années : Les 10 Commandements, Le Roi Soleil et Mozart, l’Opéra Rock, entre autres. Aujourd’hui, il s’attaque donc à 1789.

Je parlais il y a quelques mois de chanson pop dans un but pédagogique, mais nous avons affaire aujourd’hui à du divertissement pur jus. Avec deux autres spectacles musicaux programmés sur le même thème, voici une excellente opportunité pour étudier comment la culture populaire – au-delà de l’aspect commercial de la production – se réapproprie l’héritage de la Révolution française.

 

 

1789, les Amants de la Bastille : la Révolution bling-bling

 Nous sommes en France au printemps 1789, la famine, le chômage dévastent les campagnes et les villes. La révolte gronde tandis qu’à Versailles la Cour de Louis XVI, insolente et frivole, continue de dépenser sans compter l’argent de l’Etat.Issus de ces deux mondes qui se redoutent et s’affrontent, Olympe et Lazare n’auraient jamais dû se rencontrer. Lui, jeune paysan révolté par les injustices qui l’ont privé de sa terre, monte à Paris pour conquérir la Liberté. Elle, fille de petite noblesse, gouvernante des enfants royaux à Versailles, se dévoue corps et âme au service de sa souveraine, la reine Marie-Antoinette. Et pourtant…Pris dans les fièvres et le tourbillon de la révolution naissante, Olympe et Lazare plongeront ensemble dans les intrigues les plus folles et les plus romantiques. Ils vont s’aimer passionnément, se perdre puis se retrouver. Accompagnant les plus hauts personnages de leur temps tels Danton le magnifique, Camilles Desmoulins le journaliste fougueux ou Jacques Necker l’austère ministre du Roi, ils connaîtront les soubresauts de la Grande Histoire.Leur amour les mènera jusqu’au matin du 14 juillet 1789, au pied d’une des prisons les plus sombres et les plus mystérieuses de Paris, la Bastille, pour y vivre l’évènement qui scellera à tout jamais leur destin mais aussi marquera l’émergence d’un monde nouveau, l’envol de nouvelles promesses de Liberté, et de fraternité entre les hommes.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’aime beaucoup l’utilisation des majuscules. La liberté y a droit mais pas la fraternité, en revanche on va jusqu’à parler de « Grande Histoire », au cas où le lecteur n’aurait pas encore compris qu’il s’agissait d’un événement majeur.

Mis à part ce synopsis qui laisse rêveur, la production met le public à contribution, dans un but publicitaire évident.

Un casting sur internet est organisé pour recruter les chanteurs, et un forum a même été déjà mis sur pied pour constituer une communauté de fans. N’écoutant que mon courage et dans la plus pure tradition du journalisme gonzo, je me suis inscrite sur le forum pour étudier de plus près sa section historique.

Bilan des courses : un rappel historique – aberrant – par le community manager à grands renforts de smileys, un ou deux admirateurs de Robespierre venus propager la bonne parole, quelques articles écrits par des étudiants en droit ou en histoire et bon nombre de commentaires généraux, tel que celui-ci, qui m’a fait sourire malgré le sérieux absolu de mon approche :

Très bonne idée le Thème de la Révolution Française forte période historique et émotionnelle.
J’imagine déjà les mises en scène incroyables les costumes magnifiques et les décors somptueux. J’aime beaucoup les films historiques de cette période, les rois, la cour, les châteaux, le langage parlé, un français tellement plus élégant.
J’ai vraiment hâte de découvrir ce tout nouveau spectacle qui promet d’être haut en couleurs!

L’influence du film de Sofia Coppola sur Marie-Antoinette, et d’une manière générale du retour de l’esthétique rococo ces dernières années, semblent donc agir de manière importante sur les représentations de la Révolution française pour de nombreuses jeunes filles du forum, ce qui n’est guère étonnant quand on voit que le Château de Versailles lui-même s’est mis à vendre une ligne de produits tous plus hallucinants les uns que les autres en hommage à Marie-Antoinette. Mon préféré ? Sans doute possible le kit de moutons à tricoter.

Cette idéalisation douteuse d’une reine légitimement controversée est due, entre autres, au succès planétaire de La Rose de Versailles, ce qui m’amène à parler de cet autre pan de la culture populaire actuelle sur la Révolution.

 

 

Lady Oscar et la Rose de Versailles : la Révolution kawaii

Il s’agit à l’origine d’un manga papier de Riyoko Ikeda, shojo, c’est à dire principalement destiné à un – très – jeune lectorat féminin, dont les 10 tomes parus entre 1972 et 1973 ont connu un immense succès toujours d’actualité. En France, malgré sa traduction tardive en 2002, le manga a été popularisé par sa version animée, Lady Oscar, qui compte encore aujourd’hui d’innombrables fans.

Avant de se centrer sur le personnage d’Oscar François de Jarjayes, jeune fille élevée en garçon depuis sa naissance qui devient commandant de la garde royale et garde du corps de Marie-Antoinette, l’intrigue se situe d’abord à Schonbrunn auprès de la jeune princesse, puis l’accompagne à Versailles.

Pour la profane du manga que je suis, le résultat est extrêmement déconcertant. Un mélange d’esthétique seventies et de grands yeux toujours brillants de larmes. Si je ne devais citer qu’un exemple, ce serait surement l’image de Marie-Thérèse d’Autriche à genoux et les bras tendus, pleurant le départ de sa fille chérie. Ça, et les interludes allégoriques quasi psychédéliques représentant une Oscar androgyne nue et cernée de roses.

Quant à la démarche historiographique, on oscille sans cesse entre une vision intime et presque hagiographique de Marie-Antoinette (peut-être inspirée par la biographie de Stephan Zweig), et une lecture économique complètement soboulienne des cause de la Révolution. Un ovni détonnant, donc, qui a tout de même inspiré un film à Jacques Demy et marqué plusieurs générations d’admiratrices et admirateurs à travers le monde.

 

 

Deux autres productions musicales bientôt jouées à Paris

Pour achever ce panorama et aussi par plaisir, citons également un ballet qui s’apprête à se jouer en France : Les Flammes de Paris, qui s’avère être un ballet soviétique de 1932, comme le montre l’influence folklorique revendiquée dans les chorégraphies. Rien d’étonnant à cela, puisque la Révolution française fait partie des sujets qu’il était bien vu de traiter sous l’URSS. Les producteurs actuels tiennent d’ailleurs apparemment beaucoup à faire passer à la trappe l’origine soviétique du ballet – qui était parait-il le préféré de Staline – puisque sa présentation ne fait pas la moindre allusion à la date de création, et laisse penser qu’il s’agit d’une production actuelle :

Véritable épopée historique et romantique, « Les Flammes de Paris, 1789 » est le spectacle événement de ces prochains mois ! Après avoir enchanté le public russe, où il fut représenté plus de cent fois au Théâtre du Bolchoï, le spectacle « Les Flammes de Paris, 1789 » arrivera en France en 2011 !

Gardons le meilleur pour la fin : un opéra rock de 1973 que les amateurs de kitsch connaissent déjà peut-être, et dont des rumeurs disent qu’il s’apprêterait à être remonté en 2012. Là aussi, il s’agit des amours contrariées d’un révolutionnaire et d’une aristocrate. Les costumes seventies, les mouvements de bassin énergiques des gardes nationales et les solos rock de Danton valant leur pesant d’assignats, je ne peux que vous conjurer de regarder la vidéo, qui vaut mieux que toutes les descriptions que je pourrais en faire.

 

 

Pour revenir aux Amants de la Bastille, il n’y a finalement pas lieu de s’étonner sur le choix d’un tel sujet par Dove Attia, habitué aux thématiques historiques : du grand spectacle, des scènes collectives, une période d’effervescence politique permettant de mettre en scène une grande palette d’émotions dans les deux camps, et surtout un parfum de rébellion aujourd’hui parfaitement consensuelle, puisque la chronologie du spectacle s’arrête en 1792. Aucun risque donc de polémique sur l’exécution de Marie-Antoinette, sur Robespierre, la Terreur ou même Bonaparte.

Voici un produit culturel parfaitement vendu et prêt à être massivement consommé.

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Après-demain 21 janvier, vous aurez le choix entre vous rendre à la basilique de Saint-Denis écouter une messe  en présence de Son Altesse Royale le prince Charles Emmanuel de Bourbon Parme, et déguster, une fois n’est pas coutume, une tête de veau.

 

La raison de cette bizarre alternative ? Les commémorations respectives de l’exécution de Louis XVI par les royalistes et les républicains.
Au passage,  son acte de décès, dont  les lieux de naissance et de résidence sont particulièrement savoureux.

  • « Du lundi 18 mars 1793, l’an Second de la République française. Acte de décès de Louis CAPET, du 21 janvier dernier, dix heures vingt-deux minutes du matin ; profession, dernier Roy des Français, âgé de trente-neuf ans, natif de Versailles, paroisse Notre-Dame, domicilié à Paris, tour du Temple ; marié à Marie-Antoinette d’Autriche, ledit Louis Capet exécuté sur la Place de la Révolution en vertu des décrets de la Convention nationale des quinze, seize et dix-neuf dudit mois de janvier (…). »

 

Lys et basilique

Le 21 janvier, donc, les légitimistes se réunissent à la basilique Saint-Denis à l’occasion d’une messe et d’une prédication, pour rendre hommage à leur souverain déchu. Le prince qui sera présent demain, lointain descendant de Louis XIV de la branche des Bourbon d’Espagne, est d’ailleurs le président d’honneur des associations « Louis XVI » et « Mémorial de France à Saint-Denys ». Il a notamment eu la délicatesse de porter plainte en 2008 contre l’exposition Jeff Koons au château de Versailles, en raison notamment de son « caractère pornographique affiché« . Tout à fait.

 

Cochonnailles révolutionnaires

Mais revenons à cette bonne vieille tête de veau. D’où vient-elle, au juste ?
Après quelques pérégrinations sur la toile, j’ai trouvé sur Gallica (Louée soit Gallica !) un pamphlet de Romeau : La tête ou l’oreille de cochon, de 1794. Pour mieux éradiquer les  anciennes fêtes religieuses, il propose l’instauration de traditions nouvelles, comme une bastille en pâtisserie pour le 14 juillet, et surtout, le 21 janvier, une tête ou une oreille de cochon.
Pierre-François Palloy (le petit malin qui a revendu les pierres de la Bastille ) aurait ainsi participé à des banquets républicains, parmi tant d’autres, jusqu’à la Restauration… où il reçu l’Ordre du Lys.

Le choix de la tête de cochon farcie n’a rien d’étonnant, dans la mesure où Louis XVI était assimilé dans les caricatures à cet animal depuis quelques années déjà.
En revanche, le passage de la tête de cochon à la tête de veau est plus problématique, même si l’hypothèse anglaise semble la plus probable.

 

Remember !

En effet, Romeau suggère que chaque patriote « imite les patriotes Anglais qui, le jour de la décollation de leur roi Charles II (sic) , ne manquent jamais de manger une tête de veau. » Il s’agit bien sûr en réalité de Charles Ier, décapité lors de la première révolution anglaise le 30 janvier 1649.

Dans l’Éducation sentimentale, l’origine anglaise revient dans la bouche de Deslauriers devenu vieux :

  • « Frédéric poussa un cri de joie, et pria l’ex-délégué du Gouvernement provisoire de lui apprendre le mystère de la tête de veau.
    – C’est une importation anglaise. Pour parodier la cérémonie que les royalistes célébraient le 30 janvier, des Indépendants fondèrent un banquet annuel où l’on mangeait des têtes de veau, et où on buvait du vin rouge dans des crânes de veau en portant des toasts à l’extermination des Stuarts. Après Thermidor, des terroristes organisèrent une confrérie toute pareille, ce qui prouve que la bêtise est féconde. »

On peut donc au moins être certains d’une chose : en 1869, quand Flaubert publiait l‘Education Sentimentale, la tête de veau avait déjà remplacé celle de cochon. Et si jamais quelqu’un a de plus amples informations, la porte des commentaires est grande ouverte.

 

Le fait que ces traditions aient, d’un côté comme de l’autre, encore cours aujourd’hui rappelle s’il est besoin à quel point l’évocation de la Révolution demeure un sujet chatouilleux… au moins chez les amateurs d’histoire et de politique.
Ceci dit, pour ma part, j’ai l’estomac sensible et ne pousse pas la dévotion révolutionnaire jusqu’au sacrifice culinaire, même si le cœur y est. Mais pour les autres, quelques banquets républicains fleurissent un peu partout en France… y compris, parait-il, non loin de la Sorbonne.

 

Sources et références

« Du « Roi-père » au « Roi-cochon » », excellent article d’Annie Duprat sur les caricatures de Louis XVI.
La tête ou l’oreille de cochon

Confrérie Rochelaise de la tête de veau
Association Louis XVI
La lettre de Charles-Emmanuel à Sarkozy pour protester contre Jeff Koons

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Quelle plus merveilleuse occasion pour étrenner le Cabinet des Curiosités que la découverte de ce petit bijou ?

Quand un petit groupe de profs d’histoire à Honolulu se met en tête de relancer l’intérêt pour leur matière en utilisant  des tubes musicaux, ça donne une chaine youtube haute en couleurs. Lady Gaga n’est pas la seule à servir la noble cause de l’enseignement de l’histoire, on a également Depeche Mode, Gwen Stefani et même les Beatles !

« Music videos we made to make teaching history more fun », donc, ainsi qu’il est précisé sur la page youtube. Pourquoi pas ?

Pour ma part, je dois dire que la consternation a été supplantée par le fou rire, et ce malgré la manière pour le moins… lapidaire de présenter la Révolution.
L’influence du film de Sofia Coppola est flagrante, mais l’accent est aussi mis sur l’économie. Ceci dit, le film s’était directement inspiré du manga Lady Oscar, lui-même très marqué par les thèses de Soboul. (Faites-moi penser à écrire quelques mots sur ce manga, d’ailleurs. Cela en vaut la peine.)
Mine de rien, le clip résume tout de même 10 années particulièrement chargées en 5 minutes. Difficile donc d’aller beaucoup plus loin que la carte postale simplificatrice.

Mais je ne vous en dit pas plus, ce serait dommage !
(Un conseil, faites attention aux détails : vous ne voudriez pas rater Lady Gaga en Marat ou en Robespierre, n’est-ce pas ? )

 

 

Et puis juste pour le plaisir, la vidéo sur Jules César :

 

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